Visa pour Hong Kong (Lewis Gilbert, 1959) đŸ‡«đŸ‡·

Ferry to Hong Kong | www.vintoz.com

October 24, 2021

On avait vu, dans Le paradis des mauvais garçons, Robert Mitchum et Jane Russell dĂ©barquer Ă  Macao du ferry de Hong Kong. On embarque ici Ă  bord du mĂȘme bon vieux Fa Tsan Ă  vapeur, promettant moult romances et aventures, pourvu qu’on ait le pied marin. 

Ce film en couleur et filmĂ© en cinĂ©mascope nous laisse tout loisir d’admirer le cadre enchanteur de la traversĂ©e brodĂ©e de chapelets d’üles que l’on Ă©grĂšne sous un soleil resplendissant. Nostalgique d’une vieille Angleterre, le capitaine Hart, (le gĂ©ant Orson Welles, la voix enrobĂ©e d’un faux accent Ă©lisabĂ©thain) bichonne ses plantes, cajole son serein et veille au grain. « Carry on » est sa devise, tout se doit d’ĂȘtre lisse et bien verni pour cet ancien escroc au ferry aussi bien briquĂ© que son passĂ© laisse Ă  dĂ©sirer. Parmi les habituĂ©es, un groupe d’écoliĂšres chahuteuses voyagent accompagnĂ©es de leur institutrice aux allures de princesse (Sylvia Syms) qui prend garde Ă  ce qu’elles n’égratignent rien. Dans la salle des machines, le mĂ©canicien alimente les fourneaux en attendant de retrouver ses progĂ©nitures laissĂ©es Ă  chaque port. Ainsi vogue le navire


Sur les quais de Hong Kong, un homme vient de se rĂ©veiller au milieu du tumulte du port. Emergeant d’une pile de journaux froissĂ©s, il a visiblement passĂ© la nuit dehors. Qu’à cela ne tienne, sur notre affiche, cet aventurier ne semble pas en reste ! Cigarette au bec et baskets autour du cou, il se console bon an mal an, goguenard, avec sa fidĂšle « Mrs Bottle ». On avait l’habitude de le voir en costume d’officier de la SS, on retrouve Curd JĂŒrgens en ancien marin dĂ©chu Ă©clusant les bars de Hong Kong. AprĂšs un Ă©niĂšme esclandre au « Dragon », Mark se fait expulser du port parfumĂ©, envoyĂ© manu militari Ă  Macao Ă  bord du Fa Tsan. « Que diable allait-il faire dans cette galĂšre ? » pour reprendre MoliĂšre. 

Ce ne sera pas le meilleur endroit, pour sĂ»r, pour se dĂ©barbouiller ni se raser la barbe. A peine arrivĂ© Ă  Macao qu’il en est refoulĂ©, son visa est pĂ©rimĂ©. Il va devoir poursuivre absurdement sa vie d’errance, en incessants allers-retours Ă  bord du ferry, jusqu’à ce qu’une cascade d’incidents ne lui donne l’occasion de se racheter. Alors qu’une jonque est en train de chavirer au loin, il en organise le sauvetage, en grand seigneur, attisant les foudres du capitaine. Lui qui avait dĂ©jĂ  daignĂ© embarquer un mort et sa cohorte de prĂȘtres et de pleureurs, ne supporte pas ce genre de va-nu-pieds, sale et clandestin. La tension s’accroit lorsque, remplie d’explosifs, la jonque explose et le ferry est sĂ©rieusement esquintĂ©. Il en sera davantage sous l’emprise d’un mĂ©chant typhon oĂč Mark prend la barre sous les yeux du capitaine blessĂ© au cou, mĂ©dusĂ© devant tant de courage. Le haut du corps maintenu par une planche (remĂšde de fortune pour le tenir debout), il en perd toute sa dignitĂ©. OĂč est passĂ© le Welles d’Othello et de Macbeth ? Le calme revenu, ce bouffon est alors incapable de tenir tĂȘte aux pirates qui assaillent le bateau. Un des marins portugais, qui rĂȘvait d’ĂȘtre un hĂ©ros, meurt aprĂšs avoir tentĂ© de tuer l’assaillant. Mark est en pourparlers avec son acolyte, une vieille connaissance, mais en vain. Il entraĂźne alors le gros bras abruti dans l’enfer de la salle des machines. Le mĂ©canicien polygame l’attire et le pousse dans les flammes oĂč il pĂ©rit dans un grand cri. L’eau s’engouffre dans le bateau, il est temps de le quitter. Les femmes et les enfants d’abord, puis le capitaine qui n’a plus d’yeux que pour pleurer et suivre jusqu’à la derniĂšre goutte le long et tragique enfouissement du Fa Tsan, le seul amour de sa vie. SĂ»r qu’au fond de la mer, il n’aura plus d’égratignures !

Pendant ce temps, Mark a retrouvĂ© les quais, en homme libre. Il passe devant les portes rutilantes du « Dragon » sans tressaillir. Maintenant qu’il a vaincu ce dĂ©mon, il mĂ©rite d’épouser sa princesse


Le titre Ferry to Hong Kong, en lettres rouges sur fond blanc, est une invitation Ă  la dĂ©tente et Ă  l’exotisme, un Ă©loge de la lenteur qui faisait le charme de ces anciens ferries. Les billets ne se vendent plus malheureusement mais vous pouvez encore rĂȘver de ces bons vieux temps en acquĂ©rant cette sĂ©duisante affiche aux couleurs de vacances.

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