Visa pour Hong Kong (Lewis Gilbert, 1959) đ«đ·

On avait vu, dans Le paradis des mauvais garçons, Robert Mitchum et Jane Russell dĂ©barquer Ă Macao du ferry de Hong Kong. On embarque ici Ă bord du mĂȘme bon vieux Fa Tsan Ă vapeur, promettant moult romances et aventures, pourvu quâon ait le pied marin.Â
Ce film en couleur et filmĂ© en cinĂ©mascope nous laisse tout loisir dâadmirer le cadre enchanteur de la traversĂ©e brodĂ©e de chapelets dâĂźles que lâon Ă©grĂšne sous un soleil resplendissant. Nostalgique dâune vieille Angleterre, le capitaine Hart, (le gĂ©ant Orson Welles, la voix enrobĂ©e dâun faux accent Ă©lisabĂ©thain) bichonne ses plantes, cajole son serein et veille au grain. « Carry on » est sa devise, tout se doit dâĂȘtre lisse et bien verni pour cet ancien escroc au ferry aussi bien briquĂ© que son passĂ© laisse Ă dĂ©sirer. Parmi les habituĂ©es, un groupe dâĂ©coliĂšres chahuteuses voyagent accompagnĂ©es de leur institutrice aux allures de princesse (Sylvia Syms) qui prend garde Ă ce quâelles nâĂ©gratignent rien. Dans la salle des machines, le mĂ©canicien alimente les fourneaux en attendant de retrouver ses progĂ©nitures laissĂ©es Ă chaque port. Ainsi vogue le navireâŠ
Sur les quais de Hong Kong, un homme vient de se rĂ©veiller au milieu du tumulte du port. Emergeant dâune pile de journaux froissĂ©s, il a visiblement passĂ© la nuit dehors. QuâĂ cela ne tienne, sur notre affiche, cet aventurier ne semble pas en reste ! Cigarette au bec et baskets autour du cou, il se console bon an mal an, goguenard, avec sa fidĂšle « Mrs Bottle ». On avait lâhabitude de le voir en costume dâofficier de la SS, on retrouve Curd JĂŒrgens en ancien marin dĂ©chu Ă©clusant les bars de Hong Kong. AprĂšs un Ă©niĂšme esclandre au « Dragon », Mark se fait expulser du port parfumĂ©, envoyĂ© manu militari Ă Macao Ă bord du Fa Tsan. « Que diable allait-il faire dans cette galĂšre ? » pour reprendre MoliĂšre.Â
Ce ne sera pas le meilleur endroit, pour sĂ»r, pour se dĂ©barbouiller ni se raser la barbe. A peine arrivĂ© Ă Macao quâil en est refoulĂ©, son visa est pĂ©rimĂ©. Il va devoir poursuivre absurdement sa vie dâerrance, en incessants allers-retours Ă bord du ferry, jusquâĂ ce quâune cascade dâincidents ne lui donne lâoccasion de se racheter. Alors quâune jonque est en train de chavirer au loin, il en organise le sauvetage, en grand seigneur, attisant les foudres du capitaine. Lui qui avait dĂ©jĂ daignĂ© embarquer un mort et sa cohorte de prĂȘtres et de pleureurs, ne supporte pas ce genre de va-nu-pieds, sale et clandestin. La tension sâaccroit lorsque, remplie dâexplosifs, la jonque explose et le ferry est sĂ©rieusement esquintĂ©. Il en sera davantage sous lâemprise dâun mĂ©chant typhon oĂč Mark prend la barre sous les yeux du capitaine blessĂ© au cou, mĂ©dusĂ© devant tant de courage. Le haut du corps maintenu par une planche (remĂšde de fortune pour le tenir debout), il en perd toute sa dignitĂ©. OĂč est passĂ© le Welles dâOthello et de Macbeth ? Le calme revenu, ce bouffon est alors incapable de tenir tĂȘte aux pirates qui assaillent le bateau. Un des marins portugais, qui rĂȘvait dâĂȘtre un hĂ©ros, meurt aprĂšs avoir tentĂ© de tuer lâassaillant. Mark est en pourparlers avec son acolyte, une vieille connaissance, mais en vain. Il entraĂźne alors le gros bras abruti dans lâenfer de la salle des machines. Le mĂ©canicien polygame lâattire et le pousse dans les flammes oĂč il pĂ©rit dans un grand cri. Lâeau sâengouffre dans le bateau, il est temps de le quitter. Les femmes et les enfants dâabord, puis le capitaine qui nâa plus dâyeux que pour pleurer et suivre jusquâĂ la derniĂšre goutte le long et tragique enfouissement du Fa Tsan, le seul amour de sa vie. SĂ»r quâau fond de la mer, il nâaura plus dâĂ©gratignures !
Pendant ce temps, Mark a retrouvĂ© les quais, en homme libre. Il passe devant les portes rutilantes du « Dragon » sans tressaillir. Maintenant quâil a vaincu ce dĂ©mon, il mĂ©rite dâĂ©pouser sa princesseâŠ
Le titre Ferry to Hong Kong, en lettres rouges sur fond blanc, est une invitation Ă la dĂ©tente et Ă lâexotisme, un Ă©loge de la lenteur qui faisait le charme de ces anciens ferries. Les billets ne se vendent plus malheureusement mais vous pouvez encore rĂȘver de ces bons vieux temps en acquĂ©rant cette sĂ©duisante affiche aux couleurs de vacances.
Check out the English version of this article.