Easy Come, Easy Go (John Rich, 1967) đ«đ·

Elvis nâest pas mort ! ImmortalisĂ© en 3 dimensions sur cette affiche (sous la triple casquette dâofficier de la marine amĂ©ricaine, chanteur et aventurier-plongeur), je lâai croisĂ© plus dâune fois au dĂ©tour de virĂ©es nocturnes dans les bars hongkongais de Lan Kwai Fong. Elvis scintillant de paillettes, affublĂ© de la mĂȘme houppette gominĂ©e (coiffure qui valut Ă un dinosaure Ă crĂȘte noire le surnom de « Elvisaurus » !) affectionnait en effet les bars de ce quartier oĂč il se produisait rĂ©guliĂšrement. Sauf quâĂ peine les premiĂšres notes entonnĂ©es, cette super star bis trahissait lâoriginal par son accent cantonnais⊠Comme jâĂ©tais nĂ©e trop tard, je nâavais pas eu la chance de faire partie de cette gĂ©nĂ©ration de fans dĂ©chaĂźnĂ©es, alors Ă chacune de ces apparitions, je faisais semblant dây croire et ne manquais pas de remplir gĂ©nĂ©reusement son chapeau.
Jâai dĂ©couvert le vrai Elvis en Ă©coutant sa voix impĂ©rissable sur le vieux tourne-disque de ma mĂšre et je comprends sa nostalgie. Mon pĂšre aussi, Ă lâĂ©poque, sâĂ©tait fait pousser les rouflaquettes. SâĂ©taient-ils rencontrĂ©s en dansant sur Love me tender, emportĂ©s par un de ses fameux dĂ©hanchements â Ă tel point suggestif quâElvis fut gentiment rebaptisĂ© « Pelvis » ? On prĂ©fĂšrera se souvenir du « King », par respect pour ses 25 ans de carriĂšre musicale. Outre ses sosies, beaucoup ont rendu hommage au chanteur, comme Elvis Costello, en empruntant son prĂ©nom ou Chris Isaac qui carrĂ©ment le copie.
Il sâagit ici, Ă travers lâaffiche de Easy come, easy go, de mentionner sa carriĂšre cinĂ©matographique. En 1967, Ă la sortie du film, Elvis en a auparavant tournĂ© 22, Ă raison de deux ou trois tournages par an, rythme imposĂ© par son imprĂ©sario, le mystĂ©rieux Colonel Tom Parker (qui Ă©tait autant Colonel quâElvis PrĂ©sidentâŠ). Ce qui explique peut-ĂȘtre leur qualitĂ© moins mĂ©morable, loin de mettre en avant ses talents dâacteur hollywoodien. On essayera dâoublier notamment cette scĂšne de yoga oĂč le pauvre Presley se contorsionne ridiculement devant la camĂ©ra ainsi que certaines chansons oĂč il a franchement lâair de sâennuyer. Tour Ă tour boxeur, prisonnier repenti, pilote, il incarne dâhabitude des rĂŽles plus exaltants !
Sur lâaffiche, on le voit littĂ©ralement sâĂ©chapper de son cadre habituel dâicĂŽne de la chanson. Il sâimpose dans un nouvel espace en combinaison dâhomme-grenouille, serrant un couteau qui nous promet, comme il est Ă©crit, moult « aventures et rĂ©jouissances Ă la poursuite dâun trĂ©sor sous-marin ». Alors quâil effectue, pour sa derniĂšre mission au service de la Marine, un ultime dĂ©samorçage de mine au large des cĂŽtes californiennes, il tombe par hasard sur un trĂ©sor enfoui, un coffre contenant des piĂšces dâor dâun ancien navire espagnol â Easy come, manne inespĂ©rĂ©e dâargent facile ! Il sollicite alors la petite fille de son propriĂ©taire, la pĂ©tillante brunette quâon voit ici chanter et danser Ă ses cĂŽtĂ©s (au centre de lâaffiche), qui nâest autre que lâactrice Dodie Marshall, qui sâĂ©tait rendue cĂ©lĂšbre en lâaccompagnant Ă la batterie dans la scĂšne finale de Spinout. Quelle est donc lâautre fille du titre français Trois gars, deux filles et un trĂ©sor ? Une autre pin-up, posant en bikini rose Ă droite dâElvis qui arbore le mĂȘme sourire dâhomme comblĂ© quâen prĂ©sence de la brune. Cette blonde manipulatrice (Pat Priest) veut aussi sâemparer du butin. Elvis nâest pas dupe et il sâentoure de deux autres « gars », son ami trompettiste et un soi-disant Capitaine, Ă qui il loue du matĂ©riel sous-marin pour dĂ©gager le coffre. Une fois remontĂ© Ă la surface, il sâavĂšre que les piĂšces quâil contient ne sont pas en or, mais en vulgaire cuivre ! Easy go ou comme dit le proverbe, « Bien mal acquis ne profite jamais » ⊠Mais ici, personne ne sâafflige, au contraire, le maigre butin est versĂ© Ă la jolie brune qui sâen servira pour ouvrir son centre zen artistique peuplĂ© de hippies en mal de crĂ©ation.
MalgrĂ© ce scĂ©nario un peu simpliste, tout le film baigne bĂ©atement dans la bonne humeur, dans une allĂ©gresse contagieuse. Personne nâest vraiment mĂ©chant, pas mĂȘme le requin de lâaffiche. La couleur de celle-ci donne dâailleurs le ton : le fond blanc qui domine relĂšve de la comĂ©die. Certaines situations donnent Ă rire (ou Ă sourire) comme celle de la parodie de performance dâartiste oĂč un couple en plein Ă©bats amoureux reçoit sur la tĂȘte un plat dĂ©goulinant de spaghetti. On applaudit aussi le tour jouĂ© par Elvis au skipper de la blonde, lorsquâil le fait remonter Ă la surface gonflĂ© Ă bloc dâair comprimĂ©, la combinaison prĂȘte Ă exploser ! Lâhumour potache va bon train, les blagues sâenchainent, entretenues aussi par une galerie de personnages hauts en couleur, tel ce faux loup de mer hydrophobe (interprĂ©tĂ© par Frank Mc Hugh) qui loue le matĂ©riel sous-marin et rĂ©pĂšte en secret des spectacles pour enfants.
On chavire alors presque lorsquâElvis troque sa combinaison de plongĂ©e contre son costume noir de scĂšne. Lâaffiche tient ses promesses en matiĂšre de chansons et de dĂ©hanchements, des « singinâ » et « swinginâ » sâĂ©grĂšnent Ă gogo tout le long du film. Huit titres en tout, interprĂ©tĂ©s par le « King », rythment ces aventures, suivant la formule appliquĂ©e Ă ses autres films : « trois ballades, un morceau de tempo moyen, un autre rapide, terminĂ©s par un boogie-blues » nous explique son compositeur Jerry Leiber.
La derniĂšre mesure du morceau de la scĂšne finale se clĂŽt sur un baiser âle seul ! entre Elvis et sa duettiste. On aurait aimĂ© en voir plus dans cette comĂ©die romantique regorgeant de jeunes mannequins en bikinis. Jâaurais passĂ© nĂ©anmoins 1h35 de pure dĂ©tente, Ă revivre des performances musicales dâElvis que je nâavais jamais vues. Vous savez maintenant ce quâil vous reste Ă faire avec lâaffiche ? Vous procurer en plus la bande originale du film en 33 tours !
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