Easy Come, Easy Go (John Rich, 1967) đŸ‡«đŸ‡·

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November 21, 2021

Elvis n’est pas mort ! ImmortalisĂ© en 3 dimensions sur cette affiche (sous la triple casquette d’officier de la marine amĂ©ricaine, chanteur et aventurier-plongeur), je l’ai croisĂ© plus d’une fois au dĂ©tour de virĂ©es nocturnes dans les bars hongkongais de Lan Kwai Fong. Elvis scintillant de paillettes, affublĂ© de la mĂȘme houppette gominĂ©e (coiffure qui valut Ă  un dinosaure Ă  crĂȘte noire le surnom de « Elvisaurus » !) affectionnait en effet les bars de ce quartier oĂč il se produisait rĂ©guliĂšrement. Sauf qu’à peine les premiĂšres notes entonnĂ©es, cette super star bis trahissait l’original par son accent cantonnais
 Comme j’étais nĂ©e trop tard, je n’avais pas eu la chance de faire partie de cette gĂ©nĂ©ration de fans dĂ©chaĂźnĂ©es, alors Ă  chacune de ces apparitions, je faisais semblant d’y croire et ne manquais pas de remplir gĂ©nĂ©reusement son chapeau.

J’ai dĂ©couvert le vrai Elvis en Ă©coutant sa voix impĂ©rissable sur le vieux tourne-disque de ma mĂšre et je comprends sa nostalgie. Mon pĂšre aussi, Ă  l’époque, s’était fait pousser les rouflaquettes. S’étaient-ils rencontrĂ©s en dansant sur Love me tender, emportĂ©s par un de ses fameux dĂ©hanchements – Ă  tel point suggestif qu’Elvis fut gentiment rebaptisĂ© « Pelvis » ? On prĂ©fĂšrera se souvenir du « King », par respect pour ses 25 ans de carriĂšre musicale. Outre ses sosies, beaucoup ont rendu hommage au chanteur, comme Elvis Costello, en empruntant son prĂ©nom ou Chris Isaac qui carrĂ©ment le copie.

Il s’agit ici, Ă  travers l’affiche de Easy come, easy go, de mentionner sa carriĂšre cinĂ©matographique. En 1967, Ă  la sortie du film, Elvis en a auparavant tournĂ© 22, Ă  raison de deux ou trois tournages par an, rythme imposĂ© par son imprĂ©sario, le mystĂ©rieux Colonel Tom Parker (qui Ă©tait autant Colonel qu’Elvis PrĂ©sident
). Ce qui explique peut-ĂȘtre leur qualitĂ© moins mĂ©morable, loin de mettre en avant ses talents d’acteur hollywoodien. On essayera d’oublier notamment cette scĂšne de yoga oĂč le pauvre Presley se contorsionne ridiculement devant la camĂ©ra ainsi que certaines chansons oĂč il a franchement l’air de s’ennuyer. Tour Ă  tour boxeur, prisonnier repenti, pilote, il incarne d’habitude des rĂŽles plus exaltants !

Sur l’affiche, on le voit littĂ©ralement s’échapper de son cadre habituel d’icĂŽne de la chanson. Il s’impose dans un nouvel espace en combinaison d’homme-grenouille, serrant un couteau qui nous promet, comme il est Ă©crit, moult « aventures et rĂ©jouissances Ă  la poursuite d’un trĂ©sor sous-marin ». Alors qu’il effectue, pour sa derniĂšre mission au service de la Marine, un ultime dĂ©samorçage de mine au large des cĂŽtes californiennes, il tombe par hasard sur un trĂ©sor enfoui, un coffre contenant des piĂšces d’or d’un ancien navire espagnol – Easy come, manne inespĂ©rĂ©e d’argent facile ! Il sollicite alors la petite fille de son propriĂ©taire, la pĂ©tillante brunette qu’on voit ici chanter et danser Ă  ses cĂŽtĂ©s (au centre de l’affiche), qui n’est autre que l’actrice Dodie Marshall, qui s’était rendue cĂ©lĂšbre en l’accompagnant Ă  la batterie dans la scĂšne finale de Spinout. Quelle est donc l’autre fille du titre français Trois gars, deux filles et un trĂ©sor ? Une autre pin-up, posant en bikini rose Ă  droite d’Elvis qui arbore le mĂȘme sourire d’homme comblĂ© qu’en prĂ©sence de la brune. Cette blonde manipulatrice (Pat Priest) veut aussi s’emparer du butin. Elvis n’est pas dupe et il s’entoure de deux autres « gars », son ami trompettiste et un soi-disant Capitaine, Ă  qui il loue du matĂ©riel sous-marin pour dĂ©gager le coffre. Une fois remontĂ© Ă  la surface, il s’avĂšre que les piĂšces qu’il contient ne sont pas en or, mais en vulgaire cuivre ! Easy go ou comme dit le proverbe, « Bien mal acquis ne profite jamais »   Mais ici, personne ne s’afflige, au contraire, le maigre butin est versĂ© Ă  la jolie brune qui s’en servira pour ouvrir son centre zen artistique peuplĂ© de hippies en mal de crĂ©ation.

MalgrĂ© ce scĂ©nario un peu simpliste, tout le film baigne bĂ©atement dans la bonne humeur, dans une allĂ©gresse contagieuse. Personne n’est vraiment mĂ©chant, pas mĂȘme le requin de l’affiche. La couleur de celle-ci donne d’ailleurs le ton : le fond blanc qui domine relĂšve de la comĂ©die. Certaines situations donnent Ă  rire (ou Ă  sourire) comme celle de la parodie de performance d’artiste oĂč un couple en plein Ă©bats amoureux reçoit sur la tĂȘte un plat dĂ©goulinant de spaghetti. On applaudit aussi le tour jouĂ© par Elvis au skipper de la blonde, lorsqu’il le fait remonter Ă  la surface gonflĂ© Ă  bloc d’air comprimĂ©, la combinaison prĂȘte Ă  exploser ! L’humour potache va bon train, les blagues s’enchainent, entretenues aussi par une galerie de personnages hauts en couleur, tel ce faux loup de mer hydrophobe (interprĂ©tĂ© par Frank Mc Hugh) qui loue le matĂ©riel sous-marin et rĂ©pĂšte en secret des spectacles pour enfants.

On chavire alors presque lorsqu’Elvis troque sa combinaison de plongĂ©e contre son costume noir de scĂšne. L’affiche tient ses promesses en matiĂšre de chansons et de dĂ©hanchements, des « singin’ » et « swingin’ » s’égrĂšnent Ă  gogo tout le long du film. Huit titres en tout, interprĂ©tĂ©s par le « King », rythment ces aventures, suivant la formule appliquĂ©e Ă  ses autres films : « trois ballades, un morceau de tempo moyen, un autre rapide, terminĂ©s par un boogie-blues » nous explique son compositeur Jerry Leiber.

La derniĂšre mesure du morceau de la scĂšne finale se clĂŽt sur un baiser –le seul ! entre Elvis et sa duettiste. On aurait aimĂ© en voir plus dans cette comĂ©die romantique regorgeant de jeunes mannequins en bikinis. J’aurais passĂ© nĂ©anmoins 1h35 de pure dĂ©tente, Ă  revivre des performances musicales d’Elvis que je n’avais jamais vues. Vous savez maintenant ce qu’il vous reste Ă  faire avec l’affiche ? Vous procurer en plus la bande originale du film en 33 tours !

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