Contrebande au Caire (Richard Thorpe, 1957) đ«đ·
Que les parieurs flambeurs ne sây mĂ©prennent : Tip on a Dead Jockey ne file aucun tuyau pour gagner aux courses ! Le titre anglais est trompeur et si vous voulez ressentir au cinĂ©ma les mĂȘmes dĂ©charges dâadrĂ©naline que sur les hippodromes, regardez plutĂŽt The Long Shot (affiche disponible sur le site dans la catĂ©gorie « course hippique »).
Richard Thorpe nous avait dĂ©jĂ plongĂ©, avec La Force des tĂ©nĂšbres, dans les arcanes de la folie meurtiĂšre dâun zĂ©lĂ© domestique. Il sâintĂ©resse ici Ă un mystĂ©rieux pilote Ă©mĂ©rite prĂȘt Ă Ă©conduire sa ravissante femme (Dorothy Malone) afin de lui Ă©pargner les lourds secrets de son passĂ©. La scĂšne de baiser en couleur sur l'affiche est, Ă cet Ă©gard, Ă©galement trompeuse : Lloyd dans le film (interprĂ©tĂ© par le sĂ©duisant Robert Taylor) nâembrassera Phylllis (Dorothy Malone) quâune seule fois, et encore, du bout des lĂšvres, sur la joue quâil venait de gifler⊠On a pitiĂ© pour cette femme quâon retrouve au dĂ©but de lâhistoire dans le bureau dâun avocat Ă Reno. Son surnom, « la plus grande petite ville du monde » est gravĂ© sur une arche Ă lâentrĂ©e de la ville mais on sait aussi que câest, plus gravement, « la capitale du divorce ».
Cette jeune mariĂ©e est amoureuse dâun turfiste dĂ©primĂ© qui a retirĂ© pour de bon son blouson dâaviateur. Il Ă©gaye ses journĂ©es aux cĂŽtĂ©s du sympathique Toto madrilĂšne qui lui apprend Ă boire du vin Ă la « zahato » (gourde espagnole) et le rassure de bons mots. Le moins quâon puisse dire, câest quâelle a pariĂ© sur le mauvais cheval ! Et pourtantâŠcâest ce mari qui demande le divorce ! Consternation, gĂȘne et incomprĂ©hension Ă©clatent et Phyllis dĂ©cide alors de se rendre Ă Madrid, au son des castagnettes, pour en avoir le cĆur net. On avait entendu ses notes crispantes dans La Maison du Docteur Edwardes, MiklĂłs RĂłzsa excelle ici Ă incorporer dans cette scĂšne, la juste touche dâallĂ©gresse prompte Ă lui donner du courageâŠ
AprĂšs un interlude romantique oĂč le « couple » se remĂ©more leur lune de miel dans un duo chantĂ© au piano, cette femme blessĂ©e le provoque et lâaccuse dâĂȘtre un lĂąche, parti loin au soleil pour fuir les responsabilitĂ©s du mariage et la peur de voler. « Quâest-ce que ça fait dâĂȘtre Dieu ? », lui demande-t-il, avant de la gifler. Ce vĂ©tĂ©ran de la guerre de CorĂ©e souffre, dirait-on aujourdâhui, dâun syndrome post-traumatique, hantĂ© par la mĂ©moire de tous ces hommes tombĂ©s sous ses ordres.
Câest en embarquant dans une autre histoire sombre que Lloyd rĂ©apprendra Ă piloter. AprĂšs avoir perdu son pari dans une course truquĂ©e par la mise Ă mort dâun jockey, Lloyd ruinĂ© est forcĂ© dâaccepter la proposition malhonnĂȘte dâun certain Mr. Smith. Petit, replet et amateur de bains turcs, il a pour habitude, en sortant de sa voiture, de gratifier dâun direct son chauffeur (un ancien boxer !). Ce mĂ©chant incarnĂ© finira criblĂ© de balles sur le tarmac dâun aĂ©rodrome, comme illustrĂ© sur lâaffiche, arrĂȘtĂ© par la police. Lâavion qui vole en arriĂšre plan vient de lĂącher en parachute sa « mystĂ©rieuse cargaison », 42kg de soi-disant devises. La poudre blanche dissimulĂ©e Ă bord pĂšse plus lourd que les billets et le coupable sera dĂ©noncĂ©.
Ce dernier quart dâheure palpitant de vol en rase-motte entre Madrid et Le Caire est le plus divertissant. AprĂšs un dĂ©collage angoissant oĂč le pilote lutte une derniĂšre fois contre ses vieux dĂ©mons, il domestique les airs en semant tour Ă tour la police Ă©gyptienne, corse et italienne, aux cĂŽtĂ©s de son fidĂ©le ange gardien, le bienveillant Toto.
On est loin de La Mort aux trousses (North by Northwest) dâHitchcock et la sueur collĂ©e au visage de Lloyd a vite fait de sĂ©cher. Il ne sera pas long Ă reconquĂ©rir sa blonde qui entre temps ne lâaura pas larguĂ© pour un jockeyâŠ