Contrebande au Caire (Richard Thorpe, 1957) đŸ‡«đŸ‡·

January 13, 2022

Que les parieurs flambeurs ne s’y mĂ©prennent : Tip on a Dead Jockey ne file aucun tuyau pour gagner aux courses ! Le titre anglais est trompeur et si vous voulez ressentir au cinĂ©ma les mĂȘmes dĂ©charges d’adrĂ©naline que sur les hippodromes, regardez plutĂŽt The Long Shot (affiche disponible sur le site dans la catĂ©gorie « course hippique »).

Richard Thorpe nous avait dĂ©jĂ  plongĂ©, avec La Force des tĂ©nĂšbres, dans les arcanes de la folie meurtiĂšre d’un zĂ©lĂ© domestique. Il s’intĂ©resse ici Ă  un mystĂ©rieux pilote Ă©mĂ©rite prĂȘt Ă  Ă©conduire sa ravissante femme (Dorothy Malone) afin de lui Ă©pargner les lourds secrets de son passĂ©. La scĂšne de baiser en couleur sur l'affiche est, Ă  cet Ă©gard, Ă©galement trompeuse : Lloyd dans le film (interprĂ©tĂ© par le sĂ©duisant Robert Taylor) n’embrassera Phylllis (Dorothy Malone) qu’une seule fois, et encore, du bout des lĂšvres, sur la joue qu’il venait de gifler
 On a pitiĂ© pour cette femme qu’on retrouve au dĂ©but de l’histoire dans le bureau d’un avocat Ă  Reno. Son surnom, « la plus grande petite ville du monde » est gravĂ© sur une arche Ă  l’entrĂ©e de la ville mais on sait aussi que c’est, plus gravement, « la capitale du divorce ».

Cette jeune mariĂ©e est amoureuse d’un turfiste dĂ©primĂ© qui a retirĂ© pour de bon son blouson d’aviateur. Il Ă©gaye ses journĂ©es aux cĂŽtĂ©s du sympathique Toto madrilĂšne qui lui apprend Ă  boire du vin Ă  la « zahato » (gourde espagnole) et le rassure de bons mots. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle a pariĂ© sur le mauvais cheval ! Et pourtant
c’est ce mari qui demande le divorce ! Consternation, gĂȘne et incomprĂ©hension Ă©clatent et Phyllis dĂ©cide alors de se rendre Ă  Madrid, au son des castagnettes, pour en avoir le cƓur net. On avait entendu ses notes crispantes dans La Maison du Docteur Edwardes, MiklĂłs RĂłzsa excelle ici Ă  incorporer dans cette scĂšne, la juste touche d’allĂ©gresse prompte Ă  lui donner du courage

AprĂšs un interlude romantique oĂč le « couple » se remĂ©more leur lune de miel dans un duo chantĂ© au piano, cette femme blessĂ©e le provoque et l’accuse d’ĂȘtre un lĂąche, parti loin au soleil pour fuir les responsabilitĂ©s du mariage et la peur de voler. « Qu’est-ce que ça fait d’ĂȘtre Dieu ? », lui demande-t-il, avant de la gifler. Ce vĂ©tĂ©ran de la guerre de CorĂ©e souffre, dirait-on aujourd’hui, d’un syndrome post-traumatique, hantĂ© par la mĂ©moire de tous ces hommes tombĂ©s sous ses ordres.

C’est en embarquant dans une autre histoire sombre que Lloyd rĂ©apprendra Ă  piloter. AprĂšs avoir perdu son pari dans une course truquĂ©e par la mise Ă  mort d’un jockey, Lloyd ruinĂ© est forcĂ© d’accepter la proposition malhonnĂȘte d’un certain Mr. Smith. Petit, replet et amateur de bains turcs, il a pour habitude, en sortant de sa voiture, de gratifier d’un direct son chauffeur (un ancien boxer !). Ce mĂ©chant incarnĂ© finira criblĂ© de balles sur le tarmac d’un aĂ©rodrome, comme illustrĂ© sur l’affiche, arrĂȘtĂ© par la police. L’avion qui vole en arriĂšre plan vient de lĂącher en parachute sa « mystĂ©rieuse cargaison », 42kg de soi-disant devises. La poudre blanche dissimulĂ©e Ă  bord pĂšse plus lourd que les billets et le coupable sera dĂ©noncĂ©.
Ce dernier quart d’heure palpitant de vol en rase-motte entre Madrid et Le Caire est le plus divertissant. AprĂšs un dĂ©collage angoissant oĂč le pilote lutte une derniĂšre fois contre ses vieux dĂ©mons, il domestique les airs en semant tour Ă  tour la police Ă©gyptienne, corse et italienne, aux cĂŽtĂ©s de son fidĂ©le ange gardien, le bienveillant Toto.

On est loin de La Mort aux trousses (North by Northwest) d’Hitchcock et la sueur collĂ©e au visage de Lloyd a vite fait de sĂ©cher. Il ne sera pas long Ă  reconquĂ©rir sa blonde qui entre temps ne l’aura pas larguĂ© pour un jockey