James Bond 007 contre Dr. No (Terence Young, 1962) đ«đ·
Quâil paraĂźt loin le temps des cowboys Ă Stetson, galopant sur les plaines encore fumantes dâIndiens Ă plumes et de bison abattus. Dâautres substances ont remplacĂ© le calumet et probablement inspirĂ© le vert acidulĂ© de cette affiche du premier James Bond tout droit sortie des annĂ©es 1960.
Suspense, humour, scĂšnes de bravoure et exotisme agrĂ©mentĂ©s par la prĂ©sence de jolies femmes âsans oublier lâindispensable Vodka-Martini, « secouĂ© et non remuĂ© Ă la cuiller ! », composent la recette originelle de ce premier volet qui sâappliquera Ă ceux dâune longue saga.Â
Le dernier en date, Mourir peut attendre, est actuellement sur les Ă©crans. Petit clin dâĆil Ă son ancĂȘtre, il dĂ©marre dans une JamaĂŻque dĂ©barrassĂ©e par Bond de son redoutable Dr. No. En plein contexte de crise des missiles de Cuba, ce membre du SPECTRE (organisation terroriste mondiale) fomente le sabotage des fusĂ©es amĂ©ricaines dĂ©collant de Cap Canaveral. Il sĂ©vit depuis son repaire digne dâun film de science-fiction, entourĂ© de marĂ©cages radioactifs abritant un « dragon » (qui nâest en fait quâun char de guerre peinturlurĂ© dâune monstrueuse mĂąchoire). Lâacteur de thĂ©Ăątre Joseph Wiseman nâest pas peu fier dâincarner ce premier ennemi, qui est aussi lâennemi numĂ©ro un dans notre film et donne son nom au titre (dans la version anglaise). Outre sa raideur, ses cheveux de jais gominĂ©s, sa voix dâoutre-tombe Ă©chappĂ©e de ses lĂšvres vipĂ©rines, il est affublĂ© de mains mĂ©talliques plastifiĂ©es de gants noirs quâil cache derriĂšre son dos sur le cĂŽtĂ© gauche de lâaffiche. Capables de broyer une statuette de bouddha Ă la moindre vexation, on imagine le reste des dĂ©gĂąts⊠VoilĂ pour le mĂ©chant.Â
Quant au gentil, Sean Connery a endossĂ© le superbe costume-cravate (quand ce nâest pas « nĆud pap ») du hĂ©ros. Il aurait improvisĂ© dans ce premier film sa rĂ©plique culte en parodiant celle de Sylvia Trench en train de perdre au baccara :
 â Jâadmire votre courage, MademoiselleâŠ
 â Trench, Sylvia Trench. Jâadmire votre chance, MonsieurâŠ
â Bond. James Bond. Â
Lâhumour lâaccompagne en effet en toutes circonstances et le bon mot parvient Ă sâinsinuer dans les scĂšnes les plus violentes : « Câest un Smith § Wesson, et vous avez dĂ©jĂ utilisĂ© les six », fait-il remarquer au Professeur Dent qui vient de manquer sa cible en vidant toutes ses balles sur un polochon. Avant de lui en assĂ©ner deux en reprĂ©sailles Ă lâaide de son fameux Walther PP (vendu rĂ©cemment aux enchĂšres pour 256 000 USD !). Ce fĂ©tiche emblĂ©matique est exhibĂ© au centre de lâaffiche. La fumĂ©e de son canon phallique se transforme en lasso, permettant Ă James Bond de sâemparer de proies sexy posant Ă ses cĂŽtĂ©s⊠Un peu macho tout ça !Â
Son matricule 007 lui confĂšre le droit de tuer et les victimes sâaccumulent, jusquâĂ la mort ignoble du Dr No qui pĂ©rira noyĂ© dans un bain bouillant radioactif ! Il fallait bien que Bond se venge du coup de la mygale insidieusement glissĂ©e dans son lit⊠Quâil distingue le vrai du faux parmi tous ses hommes (et femmes) de main lancĂ©s Ă ses trousses depuis lâaĂ©roport de Kingston oĂč il avait atterri. Tellement traquĂ©, Ă©piĂ© et poursuivi quâil en a dĂ©veloppĂ© le sens du dĂ©tail, comme son habitude de coller un cheveu entre deux portes de placard pour vĂ©rifier si lâon a fouillĂ© sa chambre dâhĂŽtel dĂ©jĂ truffĂ©e de micros.Â
Profession oblige, il se doit aussi de maintenir une forme athlĂ©tique afin de rĂ©ussir toutes ses missions. Arborant un sourire carnassier (Ă la Jack Nicholson), il semble jouir dans la conduite de sa Sunbeam Alpine qui rĂ©ussit Ă Ă©jecter un corbillard dans le prĂ©cipice et lui fait dire : « Je crois quâils Ă©taient en route pour un enterrement ». Je me rĂ©jouis personnellement de ses muscles saillants rĂ©vĂ©lĂ©s par son T-shirt dĂ©chirĂ© lorsquâil tente de sâĂ©vader de la prison de No en rampant sur les parois brĂ»lantes de tuyaux de ventilation.Â
Une autre rĂ©jouissance arrive au bon tiers du film, pour qui sait attendre : lâapparition en VĂ©nus de Botticelli de la sublime Ursula Andress surgie des eaux. Elle ramasse innocemment des coquillages en entonnant la chanson Underneath the Mango Tree qui lui va aussi bien que son bikini. Elle ne le quittera guĂšre, lâenlevant carrĂ©ment dans cette scĂšne oĂč elle est dĂ©contaminĂ©e Ă grands jets avant de pĂ©nĂ©trer lâantre du Dr No. Elle rivalise de sex-appeal avec Sean Connery, les seins pointĂ©s dans son T-shirt mouillĂ©, tout Ă©moustillĂ©s dans lâeau glacĂ©e dâune riviĂšre.Â
On ne sâennuie jamais, le plaisir des yeux Ă©gale celui du pur divertissement. Lâaction est menĂ©e tambour battant, dictĂ©e par le riff iconique de guitare Ă©lectrique. Le film se termine (on devine comment) et on en redemande. Cela tombe bien, il y en aura vingt-six autres !
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