West Side Story (Robert Wise et Jerome Robbins, 1961) đŸ‡«đŸ‡·

West Side Story | www.vintoz.com

October 01, 2021

J’ai toujours Ă©tĂ© amusĂ©e par les footeux du canapĂ©, en survĂȘtement devant la tĂ©lé  C’est exactement ce que j’aurais dĂ» porter quand j’ai revu le cultissime film musical West Side Story adaptĂ© de la non moins cĂ©lĂšbre comĂ©die musicale de Broadway, ne m’attendant pas Ă  tant d’énergie dĂ©pensĂ©e sur un Ă©cran. Ses deux heures trente de cabrioles, sauts, roulades et autres pirouettes s’enchaĂźnant tambour battant sur la musique haletante de Leonard Bernstein m’ont laissĂ©e littĂ©ralement « à bout de souffle », pour rendre hommage Ă  Belmondo qui aurait bien escaladĂ© quatre Ă  quatre ces escaliers de secours emblĂ©matiques de l’architecture new-yorkaise ! 

Fort de cette dĂ©bordante vitalitĂ©, le West Side Story de 1961 n’a pas pris une ride et pourtant, soixante ans plus tard, Spielberg a entrepris de le rajeunir une fois encore avec son adaptation prometteuse au cinĂ©ma. Providentiel bain de jouvence Ă  l’en croire, qui nous fera oublier les longs mois de vie recluse liĂ©e au Covid. Si en effet, pour reprendre Shakespeare, «Le monde entier est une scĂšne » oĂč «hommes et femmes, tous, n’y sont que des acteurs », comment dĂšs lors, envisager une vie sans spectacle ?

C’est justement celle, tragique, de deux jeunes amants qui est magnifiquement mise en scĂšne dans cette version chantĂ©e et dansĂ©e de RomĂ©o et Juliette situĂ©e dans le Upper West Side de New-York. Les escaliers en fer forgĂ© dĂ©licatement stylisĂ©s en zigzags sur l’affiche sont tout aussi romantiques que le fameux balcon. Tony (un Jet repenti) et Maria (sƓur d’un Shark) s’y dĂ©clarent leur flamme dans l’émouvant duo Tonight, exacerbĂ© par leurs arabesques nuptiales. En-dessous, dans la grisaille des briques et du bitume, deux bandes rivales se dĂ©chirent : les Jets et les Sharks issus respectivement de l’immigration juive-polonaise et portoricaine. Le quartier leur appartient : ils rebaptisent ses rues en signant les murs du nom de leur tribu. Si seulement ils avaient pu peindre ensemble le pochoir noir gĂ©ant du West Side Story soutenant l’escalier !  Comme dans toute tragĂ©die malheureusement, la rĂ©conciliation ne sera possible que dans la mort


Celle-ci est annoncĂ©e dĂšs les premiĂšres minutes du film par un sifflement de trois notes annonciatrices de mauvais coups. Le film se passerait presque de dialogues, tellement la musique est Ă©loquente. MĂȘlant tour Ă  tour jazz, mambo, musique classique et hĂ©braĂŻque, l’histoire se trame au fil de ses morceaux exubĂ©rants. L’orchestre se fait parfois piano pour mieux entendre les paroles de Stephen Sondheim qui dĂ©noncent notamment, dans America, la sĂ©grĂ©gation et remettent en question le rĂȘve amĂ©ricain. La musique fait place au silence une seule fois, dans le monologue parlĂ© de Maria. Mais sans les notes, la gĂȘne s’installe, rendant plus poignante encore sa douleur d’avoir perdu et son frĂšre, et son amant. J’ai Ă©prouvĂ© le mĂȘme malaise quand le film s’est terminĂ©, trouvant muettes les personnes qui ne chantaient pas, comblant le vide en entonnant des bribes de refrains planant encore autour de moi. « Tonight, the world is full of light
 »

Mais le spectacle ne serait pas « total » sans l’incroyable chorĂ©graphie de Robbins qui transfigure chaque geste et chaque mouvement. L’échauffement se fait au tout dĂ©but du film par des claquements de doigts Ă  l’unisson. Les danseurs en auront besoin pour assurer sans rĂ©pit les scĂšnes d’intimidation, menace, vengeance, ou sĂ©duction. On se demande combien de prises ont Ă©tĂ© nĂ©cessaires pour qu’une scĂšne de combat par exemple, semble naturelle et soit synchrone avec la musique aux rythmes complexes. Tout comme la musique, la danse constitue une ligne narrative visuelle.   

Les acteurs jouent, chantent et dansent donc Ă  merveille –sauf Nathalie Wood incarnant Maria, qui est doublĂ©e. On retiendra les envolĂ©es de Rita Moreno, la seule actrice d’origine hispanique Ă  jouer le rĂŽle de la portoricaine Anita (contrairement aux autres acteurs membres des Sharks), roulant aussi bien les « r » que son amie Maria. Soixante ans aprĂšs, cette grande dame tiendra le magasin de Doc, sorte de Q.G. des bandes rivales, dans la toute nouvelle adaptation. Parviendra-t-elle mieux que lui Ă  leur inspirer la paix ?  

Vous le saurez en allant voir le West Side Story de Spielberg prĂ©vu sur les Ă©crans le 8 dĂ©cembre en France et le 10 aux Etats-Unis. Son affiche sobre en noir et blanc rivalise avec celle de Joseph Caroff (qui tient de loin ma prĂ©fĂ©rence !), Ă©pousant davantage l’esprit de l’époque et dont le pictogramme d’un couple de danseurs symbolise Ă©lĂ©gamment la lĂ©gĂšretĂ© et l’allĂ©gresse qu’il nous tarde de retrouver dans la vraie vie.

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Russ Tamblyn