TempĂȘte sous la Mer (Robert D. Webb, 1953) đŸ‡«đŸ‡·

Beneath the 12-Mile Reef | www.vintoz.com

July 20, 2021

Aujourd’hui, je vais vous parler d’éponges. Non pas celles qui grattent et qui rĂ©curent hystĂ©riquement les recoins douteux de vos sanitaires mais de ces inoffensives espĂšces animales qui tapissent douillettement le fond des ocĂ©ans. Elles n’en finissent pas moins, malheureusement, Ă©chouĂ©es sur le rebord d’un banal lavabo, rĂ©duites Ă  leur triste sort utilitaire
 

Un couple radieux, le visage rayonnant de bien-ĂȘtre, illumine le coin droit de l’affiche : serait-ce l’effet miraculeux et soi-disant exfoliant de ces Ă©ponges 100%  naturelles ? Ou plutĂŽt celui de l’amour irradiant ces deux ĂȘtres qui pourtant n’étaient pas destinĂ©s Ă  s’aimer ? Le scĂ©nariste Bezzerides s’est en effet inspirĂ© du couple RomĂ©o et Juliette pour cette amourette spongieuse, osĂ©-je dire, transposĂ©e dans l’univers de Tarpon Springs, capitale amĂ©ricaine de l’éponge, en Floride. Deux clans s’y affrontent, sur terre et sous la mer : les Rhys, plongeurs-pĂȘcheurs de descendance irlandaise contre les Petrakis issus de l’immigration grecque. Les Rhys sont prĂȘts Ă  tout pour garder le monopole sur l’éponge et le font payer cher aux Grecs. La situation s’envenime lorsque leur fille Gwyneth (Terry Moore, 1,57m) s’éprend follement de Tony, le fils des Petrakis (Robert Wagner, plus grec que nature avec ses cheveux permanentĂ©s et teints en noir). AprĂšs moult jeux puĂ©rils de sĂ©duction, cette petite cĂšde au bel Adonis (ainsi qu’il se surnomme) et lui accorde un fatal baiser – sur la pointe des pieds
 Ses gĂ©niteurs pillent et brĂ»lent le bateau des rivaux, menacent de tuer le pĂšre (Gilbert Roland qui a facilement troquĂ© son accent mexicain pour un grec) en lui coupant l’oxygĂšne qui alimente son scaphandre. Les deux tourtereaux n’en tiennent rigueur et continuent leur idylle interdite. Contrairement Ă  Shakespeare, aucune fin tragique ne vient flĂ©trir leurs beaux visages et un mariage sur fond de rĂ©conciliation rĂ©unit leur famille.   

Si la « TempĂȘte » sur terre n’est que relative (pour filer la mĂ©taphore shakespearienne) et se termine sous le soleil, une autre, bien rĂ©elle, se joue sous la mer. On l’avait dĂ©jĂ  compris avec le double titre franco-belge TempĂȘte sous la Mer / Storm onder Zee qui prĂ©voyait une mer agitĂ©e. La zone de turbulence se trouve en effet au pied d’un mystĂ©rieux rĂ©cif situĂ© Ă  12 miles de la cĂŽte. Une petite plongĂ©e vous tente ? On l’apprĂ©hende par des envolĂ©es oniriques de harpe annonçant un sinistre prĂ©sage. Au fur et Ă  mesure de la descente s’égrĂšnent de magnifiques massifs de corail, des grottes, des dĂ©filĂ©s de poissons – tarpons, carangues, raies Manta, requins et poisson-clown, transfigurĂ©s par le format panoramique de l’image (TempĂȘte sous la Mer est en effet le deuxiĂšme film tournĂ© en cinĂ©mascope). Le fond regorge de milliers d’éponges, un paradis pour ses ramasseurs mais Ă  quel prix ! Un des marins aura prĂ©venu le pĂšre de Tony : qu’il se mĂ©fie de ce rĂ©cif qui « n’oublie jamais », « qui vous attend Ă  bras ouverts, prĂȘt Ă  vous Ă©treindre pour l’éternité », mais en vain
 l’intrĂ©pide chef de clan doit montrer l’exemple devant son fils. Suivant un rituel trĂšs ordonnĂ© et assistĂ© religieusement par son fidĂšle Ă©quipage, on le voit revĂȘtir un scaphandre, enfiler son bonnet, tirer une derniĂšre fois sur sa cigarette, faire une priĂšre avant de visser fatidiquement son casque. Cela ne suffit pas Ă  le ramener vivant. Les pieds pris au piĂšge, il glisse le long de la paroi rocheuse et ne remonte que trop tard. AccablĂ© par la mort de son pĂšre, Tony dĂ©cide quand-mĂȘme de perpĂ©tuer la tradition et s’aventure Ă  son tour dans ces lieux maudits, en quĂȘte d’éponges. C’est lui qu’on voit lutter au milieu de l’affiche contre cette gigantesque pieuvre qu’on croirait surgir du film Vingt Mille Lieues sous les Mers tirĂ© du roman de Jules Verne. Cette scĂšne de combat hĂ©roĂŻque – RomĂ©o aurait-il Ă©tĂ© capable de faire ça ? s’ensuit d’un corps Ă  corps sous l’eau avec l’ennemi du camp adverse et sa victoire fera de lui un homme. La tempĂȘte est passĂ©e, les monstres sont vaincus et les ennemis amadouĂ©s. Vous ne ferez donc pas de cauchemars en accrochant cette affiche oĂč bon vous semble, mĂȘme au-dessus de votre Ă©vier !

Check out the English version of this article.