James Bond 007 contre Dr. No (Terence Young, 1962) đŸ‡«đŸ‡·

November 20, 2021

Qu’il paraĂźt loin le temps des cowboys Ă  Stetson, galopant sur les plaines encore fumantes d’Indiens Ă  plumes et de bison abattus. D’autres substances ont remplacĂ© le calumet et probablement inspirĂ© le vert acidulĂ© de cette affiche du premier James Bond tout droit sortie des annĂ©es 1960.

Suspense, humour, scĂšnes de bravoure et exotisme agrĂ©mentĂ©s par la prĂ©sence de jolies femmes –sans oublier l’indispensable Vodka-Martini, « secouĂ© et non remuĂ© Ă  la cuiller ! », composent la recette originelle de ce premier volet qui s’appliquera Ă  ceux d’une longue saga. 

Le dernier en date, Mourir peut attendre, est actuellement sur les Ă©crans. Petit clin d’Ɠil Ă  son ancĂȘtre, il dĂ©marre dans une JamaĂŻque dĂ©barrassĂ©e par Bond de son redoutable Dr. No. En plein contexte de crise des missiles de Cuba, ce membre du SPECTRE (organisation terroriste mondiale) fomente le sabotage des fusĂ©es amĂ©ricaines dĂ©collant de Cap Canaveral. Il sĂ©vit depuis son repaire digne d’un film de science-fiction, entourĂ© de marĂ©cages radioactifs abritant un « dragon » (qui n’est en fait qu’un char de guerre peinturlurĂ© d’une monstrueuse mĂąchoire). L’acteur de thĂ©Ăątre Joseph Wiseman n’est pas peu fier d’incarner ce premier ennemi, qui est aussi l’ennemi numĂ©ro un dans notre film et donne son nom au titre (dans la version anglaise).  Outre sa raideur, ses cheveux de jais gominĂ©s, sa voix d’outre-tombe Ă©chappĂ©e de ses lĂšvres vipĂ©rines, il est affublĂ© de mains mĂ©talliques plastifiĂ©es de gants noirs qu’il cache derriĂšre son dos sur le cĂŽtĂ© gauche de l’affiche. Capables de broyer une statuette de bouddha Ă  la moindre vexation, on imagine le reste des dĂ©gĂąts
 VoilĂ  pour le mĂ©chant. 

Quant au gentil, Sean Connery a endossĂ© le superbe costume-cravate (quand ce n’est pas « nƓud pap ») du hĂ©ros. Il aurait improvisĂ© dans ce premier film sa rĂ©plique culte en parodiant celle de Sylvia Trench en train de perdre au baccara :

 –  J’admire votre courage, Mademoiselle


 –  Trench, Sylvia Trench. J’admire votre chance, Monsieur


–  Bond. James Bond.   

L’humour l’accompagne en effet en toutes circonstances et le bon mot parvient Ă  s’insinuer dans les scĂšnes les plus violentes : « C’est un Smith § Wesson, et vous avez dĂ©jĂ  utilisĂ© les six », fait-il remarquer au Professeur Dent qui vient de manquer sa cible en vidant toutes ses balles sur un polochon. Avant de lui en assĂ©ner deux en reprĂ©sailles Ă  l’aide de son fameux Walther PP (vendu rĂ©cemment aux enchĂšres pour 256 000 USD !). Ce fĂ©tiche emblĂ©matique est exhibĂ© au centre de l’affiche. La fumĂ©e de son canon phallique se transforme en lasso, permettant Ă  James Bond de s’emparer de proies sexy posant Ă  ses cĂŽtĂ©s
 Un peu macho tout ça ! 

Son matricule 007 lui confĂšre le droit de tuer et les victimes s’accumulent, jusqu’à la mort ignoble du Dr No qui pĂ©rira noyĂ© dans un bain bouillant radioactif ! Il fallait bien que Bond se venge du coup de la mygale insidieusement glissĂ©e dans son lit
 Qu’il distingue le vrai du faux parmi tous ses hommes (et femmes) de main lancĂ©s Ă  ses trousses depuis l’aĂ©roport de Kingston oĂč il avait atterri. Tellement traquĂ©, Ă©piĂ© et poursuivi qu’il en a dĂ©veloppĂ© le sens du dĂ©tail, comme son habitude de coller un cheveu entre deux portes de placard pour vĂ©rifier si l’on a fouillĂ© sa chambre d’hĂŽtel dĂ©jĂ  truffĂ©e de micros. 

Profession oblige, il se doit aussi de maintenir une forme athlĂ©tique afin de rĂ©ussir toutes ses missions. Arborant un sourire carnassier (Ă  la Jack Nicholson), il semble jouir dans la conduite de sa Sunbeam Alpine qui rĂ©ussit Ă  Ă©jecter un corbillard dans le prĂ©cipice et lui fait dire : « Je crois qu’ils Ă©taient en route pour un enterrement ». Je me rĂ©jouis personnellement de ses muscles saillants rĂ©vĂ©lĂ©s par son T-shirt dĂ©chirĂ© lorsqu’il tente de s’évader de la prison de No en rampant sur les parois brĂ»lantes de tuyaux de ventilation. 

Une autre rĂ©jouissance arrive au bon tiers du film, pour qui sait attendre : l’apparition en VĂ©nus de Botticelli de la sublime Ursula Andress surgie des eaux. Elle ramasse innocemment des coquillages en entonnant la chanson Underneath the Mango Tree qui lui va aussi bien que son bikini. Elle ne le quittera guĂšre, l’enlevant carrĂ©ment dans cette scĂšne oĂč elle est dĂ©contaminĂ©e Ă  grands jets avant de pĂ©nĂ©trer l’antre du Dr No. Elle rivalise de sex-appeal avec Sean Connery, les seins pointĂ©s dans son T-shirt mouillĂ©, tout Ă©moustillĂ©s dans l’eau glacĂ©e d’une riviĂšre. 

On ne s’ennuie jamais, le plaisir des yeux Ă©gale celui du pur divertissement. L’action est menĂ©e tambour battant, dictĂ©e par le riff iconique de guitare Ă©lectrique. Le film se termine (on devine comment) et on en redemande. Cela tombe bien, il y en aura vingt-six autres !

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